J’ai regardé le reportage « le prématuré, un bébé funambule », diffusé sur France.
Je l’ai regardé parce que c’est un sujet qui me touche profondément, Bébé Chouquette étant né à 34SA, soit 32 semaines de grossesse.
La prématurité qu’est ce que c’est? (définition du site SOS Préma)
Est prématurée toute naissance qui survient avant 37 semaines d’aménorrhée, soit 35 semaines de grossesse. Au sein de cette prématurité globale, il faut distinguer une prématurité moyenne (de 33 SA à 36 SA+ 6 jours), une grand prématurité (28 à 32 SA + 6 jours) et une très grande prématurité (avant 28 SA). Durée d’une grossesse à terme : 41 semaines d’aménorrhées, soit 39 semaines de grossesse.
Notre histoire
Bébé Chouquette est donc né avec une « prématurité moyenne ». Je suis consciente de notre chance. J’ai pu l’avoir dans mes bras le lendemain de sa naissance, contrairement à certaines mamans, qui doivent attendre des jours, voire des semaines. Et pourtant ce fut les 24heures les plus difficiles de ma vie. Quel démarrage particulier dans une vie de maman… et de papa. Bébé Chouquette faisait 2,240kg, rien à voir avec les petits bébés de 500grammes que j’ai pu croiser dans le service de néonat’. Et pourtant.. Pourtant la peur est là, la peur de s’attacher à cet enfant et qu’il parte… La peur qu’à cet instant il soit vivant mais que l’instant d’après il aille rejoindre les anges. « Est-ce qu’il sera assez fort? Est-ce qu’il va savoir qu’on l’aime et qu’on veut qu’il s’accroche? » Et pourtant nous devions lui faire confiance et c’est ce que nous avons fait.
Papa Chouquette m’a raconté plusieurs jours après la naissance de notre fils, que lorsqu’ il avait pris Bébé Chouquette dans ses bras après l’accouchement, il avait cessé de respirer et était devenu tout bleu. La médecin avait du le reprendre pour relancer sa respiration en le branchant à nouveau à tout son attirail de câbles… Ça te donne une idée de ce qu’on a vécu.
Pendant ce reportage, des émotions très fortes ont refait surface. Pour être honnête j’ai pleuré pendant la quasi-totalité du film. Ça m’a renvoyée à notre propre histoire, évidemment.
Ces gestes qu’ont les prématurés, comme si l’extérieur les agressait en permanence, leurs petits bruits, les sondes, les scopes, les bips le jour et la nuit, les écrans,… Ces maudits écrans desquels nous ne détachions pas nos yeux au départ. Certains bips ou couleurs attiraient une cavalerie de puéricultrice et de médecins au chevet de notre enfant, sans que nous ne sachions pourquoi.
Mais rapidement, nous avons eu la chance que je puisse avoir une chambre mère-enfant. Pour être là 24h/24, avec lui, qu’il sache que je l’aime. Et pourtant les infirmières ont essayé de m’en dissuader, « rentrez chez vous, reposez vous. » Ce n’était pas concevable pour moi. Arriver à la maternité, accoucher alors que ce n’était pas prévu, et finalement repartir sans mon bébé? Rien que d’y repenser j’en ai des frissons.
Ce reportage m’a rappelée ce sentiment d’impuissance qui ne me quittait pas, devoir être spectatrice sans pouvoir lever le petit doigt pour aider mon enfant, là dans cette couveuse. La culpabilité, malgré les « ce n’est pas de votre faute », restait omniprésente, pendant les peaux à peaux, les bains… Cette culpabilité de l’avoir expulsé de son logis, tel un squatteur indésirable, et de l’avoir jeté dehors sans plus de précautions. Je regardais mon ventre (presque) plat et je pleurais. Il n’étais plus là où il aurait dû être, en sécurité, dans le ventre de sa maman. Je me détestais.
J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps quand j’ai vu Bébé Chouquette nu la première fois. Ce petit être chétif, minuscule. Ses fesses tenaient dans la pomme de ma main… et je n’ai de toutes petites mains. Il était si fragile, j’avais peur de le briser si j’y touchais. Je n’avais pas pu lui donner le bain, je m’étais effondrée dans un fauteuil, sonnée. Je m’étais sentie responsable de son « état », de ses cuisses de la taille de mon pouce et de ses poignets pas plus gros qu’une de mes phalanges. Et pourtant je le répète nous avons eu de la chance.
Bébé Chouquette progressait vite, il se battait comme un forcené, en quelques heures il respirait tout seul, en 2 jours il savait réguler sa température tout seul… restait le soucis de la sonde gastrique.
L’allaitement a été très délicat à mettre en place. Téter épuisait Bébé Chouquette, si bien qu’il s’endormait rapidement et qu’il fallait compléter sa ration à la sonde. Sonde qu’il s’arrachait quasiment tous les jours. Un crève coeur que de voir les infirmières la lui remettre, en passant par son nez. J’étais obligée de sortir de la pièce pour ne pas m’évanouir. Quand je pense à ses quelques millilitres de lait qui le rassasiaient. Les « cc » comme disaient les puéricultrices. 10 cc… Regarde sur un biberon ce que représentent 10ml…Quand ils les atteignaient c’était une victoire. Je devais le peser avant la mise au sein et après. Et s’il faisait des selles, cela faussait tout! Mais petit à petit il y est arrivé, et un jour j’ai pété les plombs, il fallait que l’on sorte d’ici.
Je n’avais pas vu ma maison depuis des semaines, je n’étais que très peu sortie de l’hôpital des enfants, ah si pardon… pour faire des prises de sang dans le bâtiment d’en face, à l’hôpital pour adultes. Cela devenait urgent, il fallait que je ramène mon bébé chez moi, chez lui, chez nous. Il avait repris du poids, après être tombé à 1,9kg, il respirait tout seul, régulait sa température tout seul et l’allaitement était bien mis en place.
Vendredi 3 mai, tournée des médecins, l’interne qui s’occupe de toi, Raphaël, ne voit pas d’inconvénients à te laisser sortir. Il en parle au chef de service, je croise les doigts. Le chef de service me demande si je me sens capable de rentrer à la maison maintenant. BON DIEU MAIS OUIIIII LAISSEZ-NOUS SORTIIIR.
Ce jour-là restera à jamais gravé dans ma mémoire. Comme sa deuxième naissance, une renaissance. Mes parents sont venus nous chercher et nous sommes rentrés chez nous, nous lui avons fait visiter la maison, nous avons pris le temps de nous apprivoiser, sans les scopes, sans les écrans que malgré moi je regardais autant que lui, sans les puéricultrices (les gentilles comme les couillonnes), sans stress…
Et aujourd’hui je suis si fière de ce grand bébé qui devient un petit garçon. Aucune trace de sa prématurité antérieure, il est plus grand que la plupart des bébés de son âge et il se débrouille comme un chef. Mon Bébé Chouquette, mon trésor… « Il est arrivé en avance ce n’est pas pour être à la traine maintenant » comme dit mon pédiatre. Quel sage homme.
Pieds Martin