Le baby blues est une petite baisse de régime, qui peut apparaître chez la maman, entre le troisième et le dixième jour après l’accouchement. Il peut être le premier stade de la dépression post-partum, on peut dire qu’il en est une forme plus légère, même si d’aucuns considèrent que baby blues et dépression post-partum sont deux termes différents pour désigner une même chose. Pour le baby blues et la DPP, on retrouve des symptômes similaires comme l’hypersensibilité, les pleurs, le manque de confiance en soi, l’irritabilité…
Mais bien que 50 à 80% des mamans soient concernées par le baby blues, il ne dure pas.
La DPP, elle, s’installe, peut durer des semaines, des mois, voire des années; et avoir des conséquences bien plus graves.
On parle peu de la DPP et pour une raison simple: notre culture! Comme envisager que l’arrivée d’un enfant ne soit pas un événement heureux? La DPP peut concerner les mamans mais aussi les papas.
Aujourd’hui deux mamans ont accepté de témoigner sur le blog, pour lever les tabous. Il s’agit de Jennifer et Madame Renard.
 
Coucou, peux-tu te présenter et présenter ta famille ?
 
Madame Renard : Alors, j’ai bientôt 27 ans. Je suis la maman d’une petite L. de 10 mois. Son papa et moi on se connaît depuis un peu plus de 8 ans, mariés depuis bientôt 2 ans.
 
Jennifer : Oulà la présentation, c’est vrai que je n’aime pas trop parler de moi mais vu que c’est un sujet important, je vais faire un petit effort. Donc voilà, je m’appelle Jennifer, maman au foyer d’un petit garçon Liam de 18 mois. Je suis en couple et mariée avec mon chéri depuis 5 ans et j’attends le petit deuz pour novembre.
 
Comment as-tu vécu ta grossesse ?
 
MR : Super bien. Enfin, rien d’exceptionnel. C’était le quotidien avec mon axe d’équilibre un peu bousculé quoi. J’étais assez sereine sur la fin (pas du tout au début, peur de fausse couche oblige). Je me sentais prête, je n’avais pas peur de devenir mère ni rien du style.
 
J : Pour ma première grossesse, je pense que je ne réalisais pas trop que j’attendais un petit être plein de vie. Je n’avais aucun symptôme, juste le ventre qui grossissait.
 
Comment ton accouchement s’est-il déroulé ?
 
MR : J’ai eu une césarienne programmée (la veille au soir, mais quand même). Du coup, pas de travail, de contraction, de stress. Ma grosse nouquette n’arrivait pas à s’engager dans le bassin pour plusieurs raisons, du coup à 1 semaine post-terme, l’équipe médicale à jugé plus prudent d’aller la chercher. La césarienne s’est très bien passée. Chéri-mari était à mes côtés. Little L. a fait du peau à peau pendant 10 minutes avec moi en salle d’op pour le finir avec son papa le temps que je remonte.
 
J : Pour l’accouchement, j’ai perdu les eaux vers 22h, j’ai pris ma douche, appelé ma maman (ben oui nous sommes vraiment proche), les grosses contractions arrivaient donc nous sommes partis a la maternité. La sage femme m’a installée, elle m’a dit vous avez déjà le col ouvert a 9 (il devait être 23h) elle m’a demandé si je voulais la péridurale j’ai répondu « oui » juste à temps, et après on a attendu que ça fasse effet et petit cœur est arrivé a 00h41.
 
Et les jours qui ont suivis ?
 
MR : Difficiles. Il faisait canicule, donc étouffant dans ma chambre. J’avais très mal, pour te dire, je suis tombée dans les pommes dans la douche la veille de ma sortie. Je suis d’ailleurs sortie de la maternité en chaise roulante (mais avec ma puce en sling !). Je me suis remise très difficilement de l’intervention, il m’a fallu du temps avant de redevenir autonome et pouvoir m’occuper de ma fille. Le séjour à la maternité a été compliqué. Trop chaud, trop mal, incapable de m’occuper de mon bébé, trop de monde tout le temps. C’était infernal. Mais ma fille était adorable, mangeait bien. Nickel de ce côté.
 
J : Les jours qui ont suivis ça allait plutôt bien, j’avais ma maman qui était venue m’aider et me soulager. Donc ça allait.
 
Comment ça s’est passé pour toi? Quels sont les symptômes du baby blues ou de la DPP ?
MR : Je n’ai pas ressenti de baby blues à proprement parler. Ça a été insidieux, ça s’est fait sa place sans que je m’en rende compte. Je pensais que c’était la fatigue. Ma fille était très demandeuse, ne dormait quasiment pas, mangeait tout temps. Je me sentais vide, épuisée, je ne voulais plus voir personne, je ne ressentais rien, je n’avais envie de rien, comme si tout ce que j’étais avait été aspirée dans un trou noir. En plus, j’avais beaucoup de mal à accepter la césarienne, qui était vécue comme un réel échec pour moi.
 
J : Un baby blues c’est une réaction que peuvent avoir certaines femmes après l’accouchement. Les symptômes peuvent varier : Mélancolie, saute d’humeur, perte d’appétit, insomnie, difficulté à se concentrer.
 
Comment t’es-tu rendue compte que tu étais en pleine dépression post-partum ?
 
MR : Longtemps après que ça ait commencé en fait. Je dirais même, quand ça s’est un peu terminé. Je m’étais tellement enfermée dans ma déprime, dans ma fatigue, dans mon quotidien étouffant et mes problèmes que je n’avais pas pris le temps de me poser de questions, de réaliser à quel point j’étais loin. C’est quand doucement ma fille a commencé à aller un petit mieux, et donc moi aussi, que je me suis rendue compte que je n’allais vraiment pas bien et à quel point je revenais de loin.
 
J : C’est après avoir fait une tentative de suicide que cela a alerté mon entourage et moi-même. Je n’en suis pas fière, je pense que sur le moment cela a été un signal d’alerte car je n’avais plus de moyen de m’exprimer.
 
As-tu été accompagnée, suivie par un spécialiste ?
 
MR : Non, je n’en ai jamais parlé à personne. J’ai un peu honte d’avoir ressenti tout ça envers mon bébé que pour en parler autour de moi. C’est encore très récent comme prise de conscience et je ne suis clairement pas encore prête à en parler. Je remonte la pente doucement, je soigne toujours un peu mes blessures.
 
J : Après ce passage, un psychiatre m’a suivie pendant plusieurs mois en me prescrivant des antidépresseurs, et des médicaments pour dormir. Il m’a ensuite orientée vers une psychologue pour régler les soucis du passé. Parce qu’il faut savoir qu’avec l’aide des médicaments il faut quand même une aide morale pour ne pas retomber dedans.
 
As-tu reçu du soutien de la part de ton entourage ?
 
MR : Aucun et beaucoup à la fois. Ils ont toujours été là pour moi mais parfois ils ont été maladroits. Pensant sans doute me faire réagir pour certains, ne pas me bousculer pour d’autres. Je ne leur en veux pas, je ne suis pas sûre qu’ils aient vraiment vu ce qu’il se passait, j’étais assez forte pour cacher mon mal être.
 
J : Oui heureusement mon entourage m’a beaucoup aidée à avancer. Même si cela a été très dur pour mon mari et ma famille avec ce qui est arrivé en plus de ça.
 
Combien de temps cela a-t-il duré ?
 
MR : Entre 6 et 7 mois. Quand ma fille est entrée en milieu d’accueil (vers 8 mois) tout a vraiment changé. J’ai pu relâcher un peu la pression, prendre un peu de temps pour moi et tout s’est beaucoup apaisé. A ce moment j’ai vraiment pu profiter de mon bébé plus sereinement.
 
J : La dépression à durée presqu’un an c’est à ce moment que j’ai arrêté de voir le psychiatre et de prendre des antidépresseurs.
 
Comment as-tu fait pour t’en sortir ?
 
MR : Je n’ai rien fait, c’est mon bébé qui m’a aidée. D’une part en étant plus zen, moins difficile. Retravailler m’a fait beaucoup de bien aussi. Sortir du quotidien plein de pleurs et de crises ça m’a libérée.
Puis mon bébé, plus zen et plus cool, m’a donnée envie de me ressaisir aussi.
 
J : Le fait de parler m’a beaucoup aidée ainsi que les médicaments. Quand on tombe là-dedans, c’est vraiment difficile d’en sortir et l’aide de l’entourage est vraiment très importante.
 
Penses-tu savoir pourquoi tu as vécu cette DPP?
 
MR: Je crois que la césarienne a été le facteur déclenchant. Je l’ai très mal vécue, très mal acceptée et je m’en suis très mal remise, ce qui a vraiment gâché mes débuts de maman. De plus ma fille n’allait pas bien et était très intense. Tout ça mit ensemble ça a donné un mélange détonnant. Et pour en rajouter une couche, ma maternité a fait ressortir de vieux démons concernant mon père que je ne vois plus, ce qui n’a fait que me fragiliser un peu plus.
 
J : J’ai accouché au mois de novembre, en décembre il y avait Noël donc de quoi m’occuper l’esprit, et ensuite fin janvier mon beau père est décédé d’une crise cardiaque, ça a été dur pour moi car je le considérais comme mon deuxième papa vu que j’ai perdu le mien a 12 ans.
Pendant une semaine nous sommes donc montés pour l’enterrement. J’avais ma maman tous les jours au téléphone et pendant un appel, elle m’a dit qu’elle avait passé des examens et qu’il fallait qu’elle en refasse, j’ai senti que quelque chose n’allait pas, j’ai fondue en larmes, mon mari est venu me consoler alors qu’il enterrait son papa, donc je me suis sentie trop mal et j’ai culpabilisé.
Nous sommes donc rentrés, j’ai fait ma bêtise, et le week-end d’après on nous a tous rassemblés chez moi pour nous annoncer que finalement ma mère avait un cancer…
Je pense que c’est elle qui m’a aidée le plus à avancer, ainsi que mon mari, mon fils et ma proche famille.
Elle m’a dit « Si tu décides d’abandonner je ferais pareil alors on se bat ensemble ». Elle en a bavé ma maman durant sa vie, donc je me suis dit « pour elle je me bats ».
 
Penses-tu mettre des choses en place pour un futur accouchement, pour que les semaines qui suivent soient plus douces et éviter la dépression post-partum?
 
MR : Déjà j’espère ne plus avoir de césarienne. Mais si ça devait tout de même arriver, je ferai un travail sur moi pour minimiser mon sentiment d’échec. J’essaierai aussi de relâcher la pression, de déléguer plus. Puis maintenant que j’ai été maman une première fois, je pense que certaines choses seront plus naturelles et se mettront plus facilement en place. Ce qui est sûre, c’est que je serai beaucoup plus attentive à mon état psychique et que je n’hésiterai pas à me faire aider.
 
J : Oui, le psychiatre m’a dit que si il y avait une autre grossesse, il aimerait me suivre juste pour que je ne retombe dans le même piège que pour ma première grossesse.
 
Aurais-tu un message à faire passer à ce sujet, aux mamans qui vont accoucher?
 
MR : Prenez le temps de vous écouter, de prendre du temps pour vous. Mais surtout, de parler. De ne pas garder tous vos chagrins et vos frustrations pour vous, de peur de choquer et d’être jugée. Je l’ai fait et ça ne m’a rien apporté. Et au final, je sais que je ne suis pas la seule et que beaucoup de gens m’auraient apporté leur aide avec beaucoup de gentillesse.
 
J : Après un accouchement nous sommes plus vulnérable aux moindres soucis. On a tendance à tout amplifier. Surtout il faut demander de l’aide et ne pas se laisser enfermer dans ce piège et surtout ne pas culpabiliser parce que cela ne fera qu’empirer. Cela n’arrive pas à toutes les femmes heureusement, donc ne vous tracassez pas pour le moment et maintenant vous connaissez les symptômes donc vous pourrez vite remédier à tout ça.
 
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Merci à vous deux pour vos témoignages touchants, poignants et sans tabous. Vous êtes deux mamans courages qui avez osé parler d’un sujet très délicat et je vous en remercie, pour toutes ces mamans que cela peut toucher. Si tu es dans ce cas, que tu te reconnais, n’hésite pas à te diriger vers des associations et des groupes de soutien, comme l’association Maman Blues ainsi qu’à pousser la porte d’un psychiatre qui t’aidera à te sortir de cette situation. 
Illustration: Madame Renard, elle témoigne et dessine aussi! Merci pour tes talents! Tu peux la retrouver sur son blog, sur Hellocoton!